vendredi, novembre 22, 2013

"La Stratégie Ender" - de la violence à la compassion


Asa Butterfield reçoit des instructions du réalisateur Gavin Hood

« Pour gagner la guerre, il faut connaître son ennemi ; à force de le connaître, on finit par l’aimer. »,  je cite de mémoire. Avant même la première image, cette sentence est offerte en clef d’interprétation aux spectateurs. « La Stratégie Ender », réalisé par Gavin Hood, repose sur un scénario classique mi-sf, mi-catastrophe, la terre est attaquée par des aliens, genre insectes pas beaux et très violents mais le premier assaut a été repoussé. Dans la crainte d’une nouvelle offensive, les forces terrestres coalisées font appel à des enfants, naturellement experts en jeux vidéo, d’excellentes recrues pour une nouvelle forme de stratégie militaire. On recherche LE meneur, l’enfant généralissime qui conduira la terre à la victoire finale !

Ce jeune héros se nomme Ender (le dernier/diminutif pour Andew, rôle tenu par le jeune Asa Butterfield), le spectateur le suit au fil de sa formation militaire, sous les ordres de son mentor, le Colonel Graff (Harrison Ford). Ce duo au jeu subtil est appuyé par une douzaine de rôles secondaires bien calibrés. Le film est efficace, une belle machine un peu poussive au début, un peu lourde par moment mais le divertissement est au rendez-vous et, mine de rien, invite à une réflexion plus profonde sur la légitimité de la violence. Il tient aussi de la partie de « stratego » psychologique, de quoi estomper les aspects les plus entendus du scénario.

Que dictent la morale et le droit de la guerre ? En cas d’agression brutale, la défense se doit d’apporter une réponse proportionnelle, propre à repousser les attaquants dans un premier temps et à circonvenir tout nouvel assaut dans un second temps. Il faut avoir une bataille d’avance ! Ne pas laisser l’ennemi récupérer, reconstituer ses forces, ne pas le laisser préparer un nouveau plan d’invasion … En somme, il faut mener une guerre préventive faite d’actions propres à jeter l’adversaire dans l’effroi et lui interdire par-là même toute velléité de revanche. Ce n’est pas sans rappeler la destruction gratuite de Dresde par l’aviation américaine, destruction voulue par la Grande-Bretagne. Dès après le carnage, les pilotes américains en ont pleuré de honte, de rage et de dégoût. Des associations de vétérans ont du reste collecté des fonds afin de reconstruire la Frauenkirche à l’identique. « La Stratégie Ender » renouvelle d’une certaine manière ce récit et donne à voir un pur génie militaire, un tacticien tiraillé entre une violence efficace et la compassion, l’ouverture à l’autre, le dialogue, la négociation.

Je ne vais pas vous éventer le suspens mais la victoire du jeune Ender repose sur une tromperie. Instrumentalisé, il tient tout de même à assumer toute la responsabilité de ses actes et trouve à « expier » sa violence par une démarche généreuse. La bonne mesure, dans une logique de guerre, est dure à tenir. Tous les chefs de guerre, pour évoquer un héros national, n’ont pas la tempérance d’un Dufour. Histoire de compléter la problématique, après être sorti du cinéma, il est recommandé de voir ou revoir l’épisode consacré à la guerre du Sonderbund de la série RTS Les Suisses.

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